Nina Fasciaux – Directrice des partenariats au Solutions Journalism Network et autrice

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L’éducation aux médias est primordiale pour accompagner les jeunes et moins jeunes dans la compréhension de la fabrique de l’information.
Pourquoi un tel décrochage entre les Français et l’information ?
Les raisons sont multiples. Il y a un trop-plein d’informations que notre cerveau n’est pas du tout outillé pour gérer. Il y a une information trop anxiogène, donc un risque de dépression et d’apathie face à cette information ; un égarement, c’est-à-dire qu’il y a une montée de la défiance et une obsession de la manipulation. Et ce que j’appelle une contagion des malentendus avec une polarisation réelle et fictive, un mépris de la part des médias envers les citoyens et finalement une incompréhension de ce qu’est cette défiance et de ce qu’elle signifie pour les Français.
Que peuvent faire les journalistes pour les réconcilier ?
Les journalistes doivent réaffirmer leur valeur ajoutée en mettant en valeur leur qualité purement humaine et changer de posture en étant dans une posture d’humilité, d’écoute, pour réceptionner la parole des citoyens d’une façon où les citoyens vont avoir l’impression d’être racontés dans leur entière dignité, mais aussi d’une façon qui va permettre de recréer du dialogue entre les différentes parties de la population et en assurant finalement le vivre-ensemble.
Comment parler à la jeune génération qui s’informe autrement ?
Alors justement, en réaffirmant ce qui fait de nous, les journalistes, des êtres humains, c’est-à-dire : je promeus moins une forme de désélitisation des médias pour que le contenu médiatique, finalement, paraisse plus accessible parce que produit par un être humain, avec toute la subjectivité que cela suppose, tout en assurant une honnêteté intellectuelle totale, évidemment. Mais je pense que c’est intéressant et vraiment parlant pour les plus jeunes de produire de l’information sérieuse sans se prendre au sérieux, ça permet de faire en sorte qu’elle soit plus accessible et beaucoup plus humaine finalement.
Quelles différences avec d’autres pays ?
Je travaille beaucoup avec les États-Unis, alors c’est vrai que ça me permet de voir ce qui nous attend, si l’on ne change pas. Mais il existe des outils pour prévenir un peu cette colère qui s’exprime dans les votes populistes. En Allemagne, notamment, il y a une initiative qui a démarrée il y a plusieurs années qui s’appelle My Country Talks, qui place le journaliste dans une position de médiateur, de créateur de dialogue, où on invite les gens à échanger, malgré leurs divergences politiques sur des sujets fondamentaux et c’est une initiative qui a également été lancée en France à l’automne dernier par La Croix et Brut.
L’éducation aux médias : pourquoi et comment ?
L’éducation aux médias est primordiale pour accompagner les jeunes et moins jeunes dans la compréhension de la fabrique de l’information. C’est aussi primordial que les médias fassent un effort de transparence pour expliquer comment un sujet est produit, pourquoi il a été produit, avec quelle décision éditoriale derrière, pour justement recréer de la confiance, cette confiance qui manque tellement entre médias et citoyens.
Un Positive word pour conclure ?
Dignité. Dans une société où l’on se jette corps et âme dans la culture du clash, où l’humiliation est le carburant des polémiques, il est important, et notamment sur les sujets sociétaux et environnementaux, de respecter la parole médiatique et la parole des citoyens dans toute leur dignité.