Charlotte Meyrueis – Directrice de Coeur de Forêt

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Aujourd’hui, une forêt, on ne va pas la planter pour pouvoir capter du carbone, pour pouvoir compenser ses émissions ou contribuer, on va vraiment conserver une forêt parce qu’elle a un rôle d’habitat pour la faune et la flore. On a 80% de la biodiversité terrestre qui aujourd’hui est abritée dans les forêts. Et donc nous, quand on préserve une forêt, on pense surtout à ça, à son rôle sur la biodiversité.
Cœur de Forêt en quelques mots et chiffres ?
Cœur de forêt, c’est une association française qui depuis 20 ans agit pour la préservation des forêts en France et à l’international. On intervient dans 4 pays, en Bolivie, Madagascar, Indonésie et en France. On a la particularité d’apporter une ingénierie technique et aussi un accompagnement au changement des pratiques. C’est vraiment notre façon d’agir pour refonder cet équilibre précieux entre l’humain et la forêt.
L’apport technique, c’est de travailler sur l’agroécologie, sur la silviculture, donc on va accompagner les propriétaires de petites forêts ou les agriculteurs à mieux cultiver durablement pour respecter les limites planétaires. Et tout ça, ça demande du temps. Donc on va travailler aussi main dans la main avec ces acteurs-là pour qu’ils s’approprient ces connaissances et qu’ils puissent les mettre en œuvre sur du long terme.
Cœur de forêt en quelques chiffres, c’est plus de 4 millions d’arbres qui ont été plantés en intégrant 480 espèces. Et on a pu impliquer plus de 70 000 bénéficiaires à travers tous nos projets.
Y a-t-il une déforestation en France ?
En fait, on n’a pas de déforestation en France comme on peut le connaître à l’international. On a une forêt française qui se porte plutôt bien parce qu’elle a sa surface qui augmente. Par contre, on a une forêt française qui a une santé qui se dégrade et c’est lié à une certaine gestion intensive de la forêt et aussi à un changement climatique qui est déjà à l’œuvre et qui va finalement exacerber un peu les conséquences de cette gestion qui peut aller jusqu’à des coupes rases.
Par exemple toute la partie Est de la France connaît une mortalité énorme des épicéas qui est une espèce de conifères qui en fait et a été planté massivement donc un peu en monoculture et qui malheureusement aujourd’hui est attaqué par un insecte qui crée des milliers d’hectares qui sont aujourd’hui coupés à blanc pour pouvoir permettre à une nouvelle forêt de reprendre. Sauf qu’en fait, une forêt qui a été coupée, c’est tout un patrimoine aussi, et on ne pourra pas revenir sur une forêt résiliente. Il faudra des siècles et des siècles pour réintégrer un cycle entier au niveau de l’écosystème forestier.
En plantant des arbres, on sauve la planète ?
Oui et non, j’ai envie de dire. La plantation d’arbres, elle est très symbolique, donc c’est vraiment un outil qui est très puissant pour pouvoir mettre l’accent sur la forêt, mais c’est vraiment un outil parmi tant d’autres. Et malheureusement, ça biaise aussi le regard parce qu’on va se focaliser sur la création de forêts, sur la plantation d’un arbre, sans voir la vision globale d’une forêt. Et aujourd’hui, une forêt, on ne va pas la planter pour pouvoir capter du carbone, pour pouvoir compenser ses émissions ou contribuer, on va vraiment conserver une forêt parce qu’elle a un rôle d’habitat pour la faune et la flore. On a 80% de la biodiversité terrestre qui aujourd’hui est abritée dans les forêts. Et donc nous, quand on préserve une forêt, on pense surtout à ça, à son rôle sur la biodiversité. Donc planter des arbres, c’est un début, mais aujourd’hui, il faut vraiment apporter une réponse à la préservation des forêts existantes, c’est vraiment l’enjeu le plus important. Et comment est-ce qu’on apporte ce rôle-là ? On va aller travailler en France avec les propriétaires qui possèdent des petites forêts, qui sont aujourd’hui un peu déconnectés de leurs forêts, et on va aller les accompagner pour connaître leurs forêts et pour leur apprendre à être eux-mêmes gardiens de la préservation de leurs forêts.
Une vision idéale de la forêt de demain ?
Alors, il n’y a pas forcément de vision idéale de la forêt parce que la forêt, elle est plurielle et donc il peut y avoir plein de forêts dans le monde. Par contre, je pense qu’on peut avoir un point commun de la vision que peut avoir l’humain sur les forêts. Et ça, si j’avais un souhait, ce serait de pouvoir avoir une meilleure compréhension de la forêt, et que c’est un être vivant. Ce n’est pas un objet, un mobilier qu’on peut remplacer comme ça et qu’on ne pourra jamais malheureusement retrouver une forêt qui a été coupée. Donc ma vision c’est plutôt qu’on laisse tranquille finalement les forêts pour qu’elles se portent beaucoup mieux.
Un Positive word pour conclure ?
Je dirais prendre du temps, parce que le temps nous manque, et quand on vit avec le vivant, avec les forêts, on s’aperçoit que le temps est quand même sur une autre dimension. Donc prenons le temps pour nous, prenons le temps pour les forêts, et je pense qu’on aura une autre vision du monde.