Thibaut Bruttin – Directeur général de Reporters sans frontières (RSF)

26 septembre 2025

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Il faut restaurer un cercle vertueux qui permet aux médias qui font du journalisme de qualité, de bénéficier évidemment d’un soutien publicitaire, de subventions publiques, de la confiance des citoyens. C’est à ce prix-là qu’on restaurera l’écosystème des médias.  

Pourquoi la désinformation est-elle un fléau ?  

L’espace de l’information tel qu’on l’a connu jusqu’à présent est bouleversé par la désinformation qui prolifère sur les réseaux sociaux. C’est dangereux pour notre conversation publique, puisqu’il y a des acteurs qui vont essayer d’introduire des narratifs qui servent leurs intérêts, mais surtout, elle fait rentrer la société dans une ère du doute où on n’a plus confiance dans les informations qui circulent. Alors il en va du journalisme qui connaît en ce moment une sorte de crise existentielle. 

Comment restaurer la confiance du public envers les journalistes et les rédactions ?  

À Reporters sans frontières, on est convaincus qu’il faut écouter les doléances, les envies des citoyens. Les citoyens nous disent qu’ils veulent une information qui soit clairement identifiée, où l’on sait qui parle, d’où on parle, qui ait une reconnaissance des biais. Ils nous disent aussi, à travers les sondages, à travers les réunions publiques qu’on peut faire, qu’il y a une aspiration à une hiérarchisation de l’information. Pour vaincre la fatigue informationnelle, il faut qu’on sache distinguer le principal de l’accessoire. Et puis enfin, il y a la question du cycle de l’information, qui est considérée comme trop souvent excessive, trop rapide. Alors, pour résoudre cette question de confiance, pour répondre aux aspirations des citoyens, il faut que chacun fasse un pas l’un vers l’autre, il faut créer les conditions du dialogue pour réformer une partie des pratiques dans les rédactions et donner aux citoyens plus de visibilité sur comment les rédactions fonctionnent. 

Qu’est-ce que la Journalism Trust Initiative (JTI) ?   

La Journalism Trust Initiative, ou JTI, c’est une des principales initiatives de confiance dans les médias à travers le monde. Elle a été développée par Reporters sans frontières, avec de nombreux acteurs du secteur des médias d’information, à partir de 2018. Notre constat était simple, c’est qu’il n’existe pas de moyens d’identifier les sources d’informations fiables aujourd’hui. Il n’existait pas de normes ISO qui expliquent qui on est en tant que média et comment on travaille en tant que rédaction. Cette norme, elle est disponible, elle est ouverte à tous, on peut se faire certifier sur la base d’un questionnaire d’auto-évaluation que les médias doivent remplir et nous invitons non seulement les médias à s’en emparer, mais aussi les annonceurs à saisir ce critère comme un critère d’identification des médias dans lequel ils veulent annoncer. Les réseaux sociaux aussi, de notre point de vue, devraient promouvoir ces sources d’informations fiables, de même que les politiques publiques en faveur de la confiance.  

Quel constat à l’international ?  

J’ai l’occasion, dans le cadre de mes fonctions, de me balader à travers le monde pour rencontrer les journalistes, pour rencontrer les médias, les pouvoirs publics et les citoyens. Et ce qui est clair, c’est que on a une demande très forte de la part des citoyens pour de l’information fiable, pour de l’information désintéressée et pour que les journalistes remplissent vraiment leur rôle de tiers de confiance. On a aussi une conscience très forte chez les médias de la fragilisation par l’économie de leur capacité à agir. Et je crois qu’il faut restaurer un cercle vertueux qui permet aux médias qui font du journalisme de qualité, de bénéficier évidemment d’un soutien publicitaire, de subventions publiques, de la confiance des citoyens. C’est à ce prix-là qu’on restaurera l’écosystème des médias.  

D’autres pistes de solutions ?  

Il n’y a pas de fatalité en ce qui concerne l’espace informationnel et l’intégrité de l’information. On peut tout à fait imaginer une régulation des réseaux sociaux qui les oblige à porter les contenus journalistiques, à les présenter de façon proéminente. On peut tout à fait aussi imaginer un engagement volontaire des annonceurs en direction des sources d’informations fiables, et puis aussi un travail volontaire des médias à destination des citoyens peut-être conforté par des politiques publiques. Donc il y a plein de solutions qui existent. Je crois qu’il faut que le monde des médias et la communauté citoyenne sortent d’une position d’experte en problèmes pour devenir experte en solutions. Parce que les solutions sont là, il faut juste les passer à l’échelle.  

Un Positive word pour conclure ?  

Je pense souvent à cette phrase de Victor Hugo au moment de la Commune de Paris où il dit « C’est par la fraternité qu’on sauvera la liberté ». Et ça c’est ma conviction à Reporters sans frontières, qu’il faut qu’on crée une coalition fraternelle, heureuse, des citoyens, des décideurs publics et des médias pour favoriser la liberté de la presse et la conversation publique. 

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