Anne-Sophie Joly – Fondatrice du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO)

12 mars 2024

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Savez-vous que 50 % de la population en France est atteinte de surpoids ou d’obésité ?

Du 4 au 6 mars, ce sont les journées mondiales de l’obésité et l’occasion d’en parler.

Pour mieux comprendre cette maladie, qui n’est pas encore reconnue comme telle en France, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Anne-Sophie Joly, la Fondatrice du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO). Elle nous sensibilise sur les enjeux de ce combat individuel et collectif, ainsi que sur le « body positivisme ».

« Les gens ont le droit d’existence, ont le droit d’être présents, ont le droit de briller », nous a déclaré Anne-Sophie Joly, co-auteur du livre « Je n’ai pas choisi d’être gros.se » qui vient de sortir !

Quel est votre combat prioritaire ?

Le combat prioritaire pour nous, il est assez simple, c’est la reconnaissance de l’obésité comme étant une maladie en France. Elle est reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé depuis 1997. En France, on a réalisé beaucoup de choses, on a avancé sur beaucoup de créneaux : on a eu un plan obésité, on a eu l’écriture de la feuille de route, on a des recommandations à la Haute Autorité de Santé. Ceci étant, le fait que la pathologie ne soit pas reconnue comme étant une maladie en France créé des biais, c’est-à-dire que les médecins ne sont pas formés, tous les professionnels de santé ne sont pas formés à la pathologie obésité, ce qui est pour nous un non-sens et surtout une dangerosité. Et après, ce que nous demandons, c’est un plan interministériel, qui soit basé à Matignon, sur 10 ans, renouvelable, tel le plan cancer, pour gagner en efficacité et surtout être transversal à bien des niveaux. Nous, ce qui nous intéresse, notre priorité, c’est l’état de santé et l’état de la population. À l’heure actuelle et surtout sur l’avenir parce que les projections de l’Organisation mondiale de la Santé sont catastrophiques. 

Surpoids et clichés = cercle vicieux ?

Alors le lien entre surpoids et cliché, oui, il est vicieux. Nous sommes une pathologie qui est visible, donc ça se voit. Et, en fait, on représente dans l’inconscient des gens, ou parfois dans le conscient, ce que les gens ne veulent pas être. Donc, en fait, il y a cette forme de distorsion, de distance qui se pose, en se disant finalement… J’ai toujours tendance à dire que ce sont les sept péchés capitaux en fait : ne pense qu’à manger, pas d’activité physique, de la fainéantise. C’est excessivement faux. L’obésité, le surpoids, ce sont 600 portes d’entrées : il y a l’épigénétique, il y a l’alimentation, il y a les traumas physiques et psychologiques. Il y a plein de choses qui font que… donc en fait, on a besoin que l’obésité et le surpoids soient bien connus et bien compris de la part de la société civile. Et quand je dis société civile, j’inclus les politiques, j’inclus les professionnels de santé, et toute personne qui a une interaction finalement avec une autre. Parce que le fait d’être en rejet, parfois, c’est de la communication non verbale, c’est aussi de la communication, mais ça peut être de la communication non verbale, ne fait qu’accroitre la problématique chez l’individu lui-même. Et c’est tout ce qu’on ne veut pas, en fait. 

Le « body positivisme », ça marche vraiment ?

C’est très important pour les personnes qui, elles, souffrent de surpoids et d’obésité parce que, sur la France, on est à 50 % de la population en surpoids et en obésité et ce chiffre ne va faire qu’effectivement croître. C’est donner de la place, c’est montrer que cette différence corporelle, cette générosité corporelle qui n’est pas un choix à la base… Les gens ont droit d’existence, ont droit d’être présents, ont droit de briller. Et sur le défilé de L’Oréal, où on voit Iseult qui est juste éblouissante, qui brille par sa différence, qui est au milieu de tout le monde, les gens peuvent s’identifier en disant “mais elle est montrée, elle est vue, elle est avec ses rondeurs et elle brille, et donc moi aussi, je peux lever la tête et briller ». En ça, c’est hyper important. 

Des conseils pour aborder le sujet ?

Il faut faire simple, il faut faire comme à la maison, c’est-à-dire ne pas avoir peur finalement d’aller demander des conseils, des échanges, de co-construire, de se dire “moi, je pense ça en tant que client ou en tant que créatif, vous, comment vous le percevez ? Qu’est-ce qui pourrait être bien vu ou mal vu ? Ou comment on pourrait tirer le fil de la pelote et comment ça peut être gagnant-gagnant pour tout le monde. C’est ça, en fait, moi qui m’intéresse. C’est vraiment cette co-construction positive et faire en sorte que, finalement, le cahier des charges des uns et le cahier des charges des autres, à un moment donné, de toute façon se superposent et on peut avancer. Il ne faut vraiment pas avoir peur de prendre son téléphone, son mail et puis de se dire “on va se mettre sur une terrasse de café, on va prendre un café, on va échanger et on va construire”. Il faut faire simple, restons simples, et humains, et humbles. 

Un positive word pour conclure ?

Moi, ce que j’aime bien mettre sur les communications du collectif, c’est “pensez à vous, prenez soin de vous”. Et en ça, finalement, quelque part, on a l’impression de tout dire et de ne rien dire, mais revenir à l’essentiel et l’essentiel, on a tendance à l’oublier, surtout dans le secteur qu’est l’obésité où on a tendance plus à essayer de donner le change pour pouvoir essayer d’être accepté par notre différence. Donc, en fait, on doit faire cinq fois plus de trucs pour pouvoir, finalement, rentrer dans un clan. Là, j’ai envie de dire juste, à un moment donné, arrêtez-vous parce que le jour où la vie va s’arrêter, quelle va être votre analyse sur toutes ces années ? Aider les autres, travailler pour les autres, mais à un moment donné se dire : ma vie, c’est mon cocon, est-ce que je me suis accepté l’autorisation de prendre soin de moi, pour moi ? Et me dire que si j’arrive à rayonner au fin fond de moi-même, je vais pouvoir finalement échanger des choses beaucoup plus valorisantes aussi pour les autres et essayer de s’auto-convaincre qu’on a aussi le droit de vivre. Parce que, comme disait une marque, moi aussi, je le vaux bien. 

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